L’histoire de la République « corsaire » de Salé
La République de Salé était une cité-état de courte durée à Salé (dans le Maroc moderne), au 17ème siècle. Située à l’embouchure du fleuve Bou Regreg, elle a été fondée par des Morisques de la ville de Hornachos, dans l’ouest de l’Espagne. Les Morisques étaient les descendants de musulmans qui ont été nominalement convertis au christianisme et ont été soumis à une déportation massive pendant l’Inquisition espagnole. Les principales activités commerciales de la République étaient le commerce des esclaves et la piraterieau cours de sa brève existence au 17ème siècle. La ville fait désormais partie du Royaume du Maroc.
Les origines de la république remontent au début du XVIIe siècle, avec l’arrivée d’environ 3 000 riches morisques de Hornachos dans l’ouest de l’Espagne, qui anticipaient les édits d’expulsion de 1609 ordonnés par Philippe III d’Espagne. Après 1609, environ 10.000 Morisques expulsés sont arrivés d’Espagne. Les différences culturelles et linguistiques entre les indigènes salétins et les réfugiés morisques ont conduit les nouveaux arrivants à s’installer dans l’ancienne médina de Rabat, sur la rive opposée du Bou Regreg.
Les pirates basés sur la rive ouest ont prospéré et ont étendu leurs opérations dans toute la Méditerranée et l’océan Atlantique. En 1624, le Hollandais Jan Janszoon (également connu sous le nom de Murad Reis) devient le « Grand Amiral » et Président de la République Corsaire de Salé.
Après que Janszoon ait quitté Salé en 1627, les Morisques ont cessé de reconnaître l’autorité du sultan Zidan al-Nasir et ont refusé de payer sa dîme sur leurs revenus. Ils proclamaient une République dirigée par un conseil ou Diwan, sorte de cabinet gouvernemental formé de 12 à 14 notables dont les membres élisaient chaque année un gouverneur et un capitaine général de la Fortalesa au cours du mois de mai. Dans les premières années de la république (entre 1627 et 1630), le Diwan n’était contrôlé que par les Hornacheros, dont l’emprise sur le pouvoir était ressentie par la population croissante de Morisques non-Hornachero, appelés Andalous. Après des affrontements sanglants en 1630, un accord est trouvé : l’élection d’un Qaid par les Andalous et d’un nouveau Diwan de 16 membres dont 8 Andalous et 8 Hornacheros.
En 1641, la Zaouia de Dila, qui contrôlait une grande partie du Maroc, imposa une hégémonie religieuse sur Salé et sa république mère. Au début des années 1660, la république était impliquée dans une guerre civile avec la zawiya, et finalement le sultan Al-Rashid du Maroc de la dynastie alaouite, qui règne toujours sur le Maroc au XXIe siècle, s’empara de Rabat et de Salé, mettant ainsi fin à son indépendance. Elle finit sous le contrôle du sultan du Maroc après 1668, lorsque Moulay al Rashid finit par vaincre les Dilaites.
D’après le rapport du Père Pierre Dan dans « Histoire de Barbarie et de ses corsaires » écrit en 1637, la piraterie à Salé a commencé avec l’arrivée de Maures [morisques] d’Espagne, dont la richesse leur a permis d’acquérir des navires. Avec eux, ils ont parcouru les mers, s’approchant principalement des navires espagnols, donnant 10% de leur butin (à la fois des richesses et des captifs) aux Saadiens, avant qu’ils ne se rebellent avec succès contre leur autorité.
Le personnage Robinson Crusoé, dans le roman du même nom de Daniel Defoe, passe du temps en captivité des pirates locaux et s’envole enfin vers la liberté depuis l’embouchure de la rivière Salé.
L’écrivain anarchiste Peter Lamborn Wilson consacre à la République de Salé une grande partie de son livre de 1995 Pirate Utopias: Moorish Corsairs & European Renegadoes. De l’avis de Wilson, des enclaves de pirates telles que Salé étaient les premières formes de sociétés proto-anarchistes autonomes dans la mesure où elles opéraient hors de la portée des gouvernements et embrassaient une liberté sans restriction.