Alexandre Sabès Pétion a été le premier président de la République d’Haïti de 1807 jusqu’à sa mort en 1818. Il est reconnu comme l’un des pères fondateurs d’Haïti ; membre du quatuor révolutionnaire qui comprend également Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et son futur rival Henri Christophe. Considéré comme un excellent artilleur au début de l’âge adulte, Pétion se distinguera comme un commandant militaire estimé avec une expérience à la tête des troupes françaises et haïtiennes. La coalition de 1802 formée par lui et Dessalines contre les forces françaises dirigées par Charles Leclerc s’avérera être un tournant dans le conflit d’une décennie, aboutissant finalement à la victoire décisive d’Haïti à la bataille de Vertières en 1803.
Pétion est né « Anne Alexandre Sabès » à Port-au-Prince de Pascal Sabès, un père français riche et Ursula, une femme mulâtre libre, ce qui lui a fait un quadron (un quart d’ascendance africaine). Comme d’autres gens de couleur libres avec des pères riches, Pétion a été envoyé en France en 1788 pour être éduqué et étudier à l’Académie militaire de Paris.
A Saint-Domingue, comme dans d’autres colonies françaises comme la Louisiane, les peuples de couleur libres constituaient une troisième caste entre les blancs et les esclaves africains. Bien que limités dans leurs droits politiques, beaucoup ont reçu le capital social de leurs pères et sont devenus de riches propriétaires terriens, indignants les petits blancs, qui étaient pour la plupart de petits commerçants. Après la Révolution française de 1789, les gens de couleur ont mené une rébellion pour obtenir le droit de vote et les droits politiques qui, selon eux, leur étaient dus en tant que citoyens français ; c’était avant le soulèvement des esclaves de 1791. À cette époque, la plupart des personnes de couleur libres ne soutenaient pas la liberté ou les droits politiques des esclaves africains et des Noirs libres.
Pétion est revenu à Saint-Domingue en tant que jeune homme pour prendre part à la Révolution haïtienne, participant à des escarmouches avec les forces britanniques dans le nord d’Haïti. Il y avait depuis longtemps des tensions raciales et de classe entre les gens de couleur et les Noirs asservis et libres à Saint-Domingue, où la population noire asservie était dix fois plus nombreuse que les blancs et les gens de couleur. Pendant les années de guerre contre les planteurs français (communément appelés grands blancs), les tensions raciales à Saint-Domingue ont été exacerbées dans la compétition pour le pouvoir et les alliances politiques.
Lorsque des tensions surgissent entre les Noirs à part entière et les mulâtres, Pétion soutient fréquemment la faction mulâtre. Il s’est allié avec le général André Rigaud et Jean-Pierre Boyer contre Toussaint L’Ouverture dans une rébellion ratée, la soi-disant « guerre des couteaux », dans le sud de Saint-Domingue, en juin 1799. En novembre, les rebelles étaient repoussé vers le port stratégique de Jacmel ; la défense était commandée par Pétion. La ville tomba en mars 1800 et la rébellion était effectivement terminée. Pétion et d’autres chefs mulâtres se sont exilés en France.
En février 1802, le général Charles Leclerc arrive avec des dizaines de navires de guerre et 82 000 soldats français pour mieux contrôler Saint-Domingue. Les Gens de couleur Pétion, Boyer et Rigaud revinrent avec lui dans l’espoir de prendre le pouvoir dans la colonie.
Après la déportation française de Toussaint Louverture et la reprise de la lutte, Pétion rejoint la force nationaliste en octobre 1802. Cela fait suite à une conférence secrète à l’Arcahaie, où Pétion soutient Jean-Jacques Dessalines, le général qui avait capturé Jacmel. Les rebelles ont pris la capitale de Port-au-Prince le 17 octobre 1803. Dessalines a proclamé l’indépendance le 1er janvier 1804, nommant la nation Haïti. Le 6 octobre 1804, Dessalines se déclare souverain à vie et est couronné empereur d’Haïti sous le nom de Jacques Ier.
Suite à l’assassinat de Dessalines le 17 octobre 1806, Pétion défend les idéaux de la démocratie et se heurte à Henri Christophe qui veut un pouvoir absolu. Christophe a été élu président, mais il ne croyait pas que le poste avait suffisamment de pouvoir car Pétion controlant le Sénat assumait une grande partie du pouvoir politique. Christophe se rend dans le nord avec ses partisans et établit une autocratie, déclarant l’État d’Haïti. Le pays était divisé enm deux, et les tensions entre les Noirs et les mulâtres du Nord et du Sud, respectivement, se sont ravivées.
Pétion a été élu président en 1807 de la République méridionale d’Haïti. Après que la lutte non concluante s’est prolongée jusqu’en 1810, un traité de paix a été conclu et le pays a été officielement divisé en deux. En 1811, Christophe se fait roi du royaume du nord d’Haïti.
Le 2 juin 1816, Pétion modifia les termes de la présidence dans la constitution, se faisant président à vie. D’abord partisan de la démocratie, Pétion trouve les contraintes imposées par le Sénat onéreuses et suspend la législature en 1818.
Pétion a saisi les plantations commerciales de la noblesse riche. Il fit redistribuer la terre à ses partisans et à la paysannerie, ce qui lui valut le surnom dePapa Bon-Kè (Papa Bon-Cœur). Les saisies de terres et les changements dans l’agriculture ont réduit la production de marchandises pour l’économie d’exportation. La plupart de la population est devenue des agriculteurs de produits de subsistance à part entière, et les exportations et les revenus de l’État ont fortement diminué, rendant la survie difficile pour le nouvel État.
Croyant à l’importance de l’éducation, Pétion a fondé le Lycée Pétion à Port-au-Prince. Les vertus et les idéaux de liberté et de démocratie de Pétion pour le monde (et en particulier les esclaves) étaient forts, et il montrait souvent son soutien aux opprimés. Il a donné refuge au leader indépendantiste Simón Bolívar en 1815 et lui a fourni un soutien matériel et en infanterie. Cette aide vitale a joué un rôle déterminant dans le succès de Bolivar à libérer les pays de ce qui constituerait la Grande Colombie. Pétion aurait été influencé par son amante (et celle de son successeur), Marie-Madeleine Lachenais, qui lui servait de conseillère politique.
Pétion nomma le général Boyer pour lui succéder ; il en prit le contrôle en 1818 suite à la mort de Pétion (mort de la fièvre jaune). Après la mort d’Henri Ier du Royaume d’Haïti et de son fils en 1820, Boyer a réuni la nation sous son règne.